10 août : escale à Sisimiut

10 août, ma montre a sonné à 4 h, le soleil n'apparaissait pas encore au-dessus des montagnes à l'est mais la lumière était très belle. Là maintenant, il est 7 h 40 et nous ne sommes toujours pas arrivés à Sisimiut et nous naviguons pratiquement dans de la purée de pois actuellement. J'ai bien fait de me lever ce matin [en transcrivant sur papier mon enregistrement du dictaphone, je me rends compte que mes photos horodatées vers 8 h ont en fait été prises à 4 h... Je ne me souvenais plus à quel moment j'avais changé l'heure de mon appareil photo]. En effet la lumière de l'aube était très belle à l'est avec tout un dégradé d'ocres et j'ai notamment photographié le reflet des crêtes des montagnes sous un ciel magnifique dans les vitres de la passerelle du Fram.

11 h à Sisimiut de retour d'un petit tour en ville (la deuxième du Groenland par la population ; Les températures varient entre - 35°C en hiver et +18°C en été) avec Jean-Louis. L'église était fermée ce matin. Nous avons assisté au débarquement de crevettes [si Papa, pêcheur de crevettes très très assidu, avait vu ça !!], de grosses araignées... Des palettes et encore des palettes de caisses bien remplies que les pêcheurs m'ont autorisé à photographier. Il y a une usine assez importante de congélation juste à côté du quai. En Norvège, on voit aussi des bateaux débarquant des crevettes mais c'est vraiment « artisanal » par rapport aux apports effectués à Sisimiut. Ces crevettes sont exportées dans les dizaines de conteneurs frigorifiques empilés sur le quai en face du MS Fram. Lors de notre balade, nous avons aperçu "nos" premiers traîneaux et chiens groenlandais à quelques mètres de la rue, très calmes parmi les pissenlits en fleurs encore pour certains mais surtout en "boule de graines" prêtes à s'envoler au moindre souffle d'air. La quantité de ces "boules de graines" m'a vraiment marqué.

Lors de notre balade matinale, nous sommes passés près d'un abri (en fait, des étagères couvertes d'un toit) où étaient entreposés des kayaks. Découverte... Les kayaks sont en fait constitués d'une "ossature" traditionnelle en bois recouverte par de la toile enduite d'une peinture imperméabilisante. Sisimiut est la seule escale du voyage où le Fram est à quai : on peut donc aller et venir à condition bien sûr de passer notre carte d'embarquement au lecteur de "code barre" afin de signaler notre sortie et notre retour à bord. Le Diamant, de la Compagnie des Iles du Ponant, mouille en rade et ses passagers doivent emprunter le tender.

Après le déjeuner, je retourne à terre faire quelques photos du port où rentrent de temps en temps des barques à moteur hors-bord avec un ou deux hommes à bord de retour de pêche. Cette partie du port est un vrai entassement de canots, barques qui sont amarrés les uns aux autres. J'imagine les noeuds à défaire et refaire, les manoeuvres nécessaires pour sortir en mer sur un des canots amarrés le plus près du quai... On est loin des alignements des marinas ou même des mouillages sur corps-morts de Bretagne.

Ensuite, j'emprunte une des navettes mises à disposition des passagers du Fram et du Diamant. On nous avait prévenu que les groenlandais ne sont pas toujours fidèles à un horaire strict, un programme fixé... J'ai eu l'occasion de m'en rendre compte quand le chauffeur du bus a fait demi-tour pour aller chercher des passagers du Diamant alors que nous étions pratiquement arrivés à destination en haut de la ville. Nous étions déjà passés une première fois à leur quai de débarquement et avions attendu en vain... En tout, on a fait trois demi-tours. Des passagers du Fram moins patients que moi, ont terminé à pied mais personnellement, je voulais économiser mes jambes et j'ai ainsi eu l'occasion de bavarder 5 minutes avec des passagers français du Diamant. Ils venaient de Reykjavik et ne "montaient" que jusqu'à Illulisat. 2 de mes compagnons de voyage ont déjà effectué cette croisière sur le Diamant et nous ont dit que la croisière du Fram est vraiment différente et plus intéressante. Pendant l'escale à Sisimiut, le capitaine du Diamant et son second ont visité le Fram avec beaucoup d'intérêt, semble-t-il.

Je suis donc allé en bus en haut de la ville... Surprise en chemin : dans un grand repli du terrain, pratiquement au centre-ville, des centaines de croix blanches sont plantées sans ordre apparent, c'est le cimetière. Ici aussi, beaucoup de chiens de traîneaux sont enchaînés un peu à l'écart des maisons et immeubles... Ca ne sent pas terrible... Ils aboient un peu, ils ont l'air triste. Je commence à redescendre vers l'arrière port mais m'arrête assez vite car d'où je suis, je ne suis pas certain de pouvoir rejoindre le quai où est amarré le Fram et je n'ai pas envie d'avoir tout ce dénivelé à remonter au cas où effectivement je ne puisse pas aller jusqu'au Fram. Et puis, l'intérêt semble assez limité. J'emprunte à nouveau une navette pour redescendre jusqu'à l'église qui est ouverte cet après-midi. Elle est entièrement en bois, ce qui donne une belle lumière à l'intérieur. On entre par le fond surmonté d'un balcon où se trouve un orgue. De chaque côté de la nef, une balustrade prolonge le balcon depuis le fond de l'église jusqu'au choeur. Je monte à ce balcon pour photographier la nef sans flash, avec le trépied, en profitant des rares instants où il n'y a personne dans le champ.

15 h 05 : je me balade ensuite un peu dans les rues aux alentours de l'église. Le ciel n'est plus uniformément gris, blanc laiteux comme ce matin et j'en profite pour photographier des maisons ou paysages avec un ciel plus agréable. Et puis, il y a moins de moucherons que ce matin même si ceux-ci ne sont pas très ennuyants. Comme au Spitzberg, les canalisations ne sont pas enterrées. Si j'ai bien compris les plaques des noms des rues, « rue » s'écrit «aq ».

15 h 40 au pied du Fram : 1 matelot lave à grande eau pressurisée le pont à la proue du navire. L'eau s'en écoulant par les dalots génère des arcs-en-ciel. Là, je suis au niveau de l'arrière du navire et je reçois encore les embruns de l'avant alors qu'une partie de l'équipage participe à un exercice de sauvetage sur le pont 5.

16 h 10 : 14° Celsius, 33 % d'humidité, 1009 hPa, vent de 7 noeuds mais le vent apparent atteint 238 noeuds !!! Pendant tout le voyage, on aura droit à un vent apparent... ouraganesque sans doute du au neuvage du navire. On quitte Sisimiut en fin d'après-midi et peu après, au loin, des petites îles semblent se refléter dans la brume au-dessus d'elles.

22 h 30, je me couche après avoir parlé d'Alaska après le dîner avec Bernard qui a aperçu soit un dauphin soit une petite baleine juste avant de se mettre à table. On navigue à peu près [c'est dur d'évaluer] à 4 ou 5 km de la côte constituée de montagnes s'élevant de 1000 [?] à 1500 [?] mètres. La mer, sans être vraiment plate, n'est pas agitée, juste un petit clapot.