Traduction d'un extrait du programme du jour : Après être parvenus hier à la latitude de 78° 57', nous allons visiter aujourd'hui Qaanaaq - également connu sous le nom de "Nouvelle Thulé", la capitale de cette région. Qaanaaq a été fondée en 1953 avec l'aide des Américains, après qu'ils aient forcé les personnes vivant à proximité de la base aérienne de Thulé à quitter cet endroit. Environ 650 personnes vivent aujourd'hui dans cette ville, qui leur fournit l'école, les soins médicaux et même une maison de retraite. Le Musée de ce village est situé dans le plus vieux bâtiment : la maison de Knud Rasmussen démontée à Thulé / Dundas en 1986 et reconstruite ici à Qaanaaq. Le musée présente les fouilles archéologiques ainsi que des vestiges de différentes expéditions polaires - par exemple celles de Hall, Peary et Rasmussen. L'église moderne a été construite en 1953 et vous devez regarder attentivement le tableau derrière l'autel : Il a été peint en 1930 par l'artiste danois Ernst Hansen pour Rasmussen pour l'église de Thulé et montre Jésus assis sur le mont Dundas. Plus tard, les chaussettes bleues ont été ajoutées à la peinture, parce que les habitants ont eu pitié de Jésus ... Même le supermarché de Qaanaaq vaut le temps d'une visite ... Quelles sortes de fruits et de légumes y trouvons-nous ? Il n'y a qu'un seul navire par an pour amener les marchandises ici en août. Mais il sera difficile pour vous de trouver un autre endroit aussi rempli de boites de Coca-Cola que l'entrepôt de stockage du supermarché le lendemain de la livraison... Qaanaaq est un endroit où on ne peut pas se perdre, et vous n'aurez pas besoin d'un plan de la ville. Il ya 2 routes menant au rivage : sur la droite, vous trouverez tous les sites présentant un intérêt, comme le supermarché, le magasin de souvenirs Ultima Thule, derrière l'église et l'hôpital, le musée ... ...
17 août un peu avant 9 h, le Fram est à l'ancre devant Qaanaaq, la nouvelle Thulé fondée en 1953 et qui compte aujourd'hui 650 habitants environ. Malheureusement, la marée est relativement basse et la grève devant le village où sont mouillés les canots des habitants est protégée par un brise-lames de rochers submersibles et il n'y a pas assez de fond actuellement dans la passe pour permettre le passage des polars cirkel boats en toute sécurité. Le staff essaie bien d'aménager une espèce de quai de débarquement avec des palettes plus à gauche sur la grève... mais là, il n'y a plus la protection du brise-lames et même si le clapot n'est pas très important, il faut renoncer à débarquer à cet endroit. Donc, patience en attendant la marée haute... "Quand la mer mooooonteeeee..." pour pouvoir franchir le seuil du brise-lames.
En dehors de la séance de jacuzzi ["forcément, forcément sublime" copyright Marguerite D. ], je passe la matinée à photographier les icebergs et les growlers autour du navire. Vers 12 h 45, je m'installe avec le trépied dans la cafétéria pour photographier Qaanaaq dans le reflet de la vitre protégeant les belles aquarelles réalisées par des artistes groenlandais. Le résultat est vraiment fouillis mais je le trouve pas mal finalement. J'ai présenté une de ces photos à la critique des abonnés de VirusPhoto... les avis sont très partagés entre "c'est illisible... " et "graphiquement, ça me plaît beaucoup...".
A l'extérieur, un growler à l'érosion vraiment bizarre nous présente une surface émergée constituée de rangées parallèles et régulières de dents : une vraie râpe géante ! Toutes ces dents génèrent un paysage miniature de montagne d'adrets et d’ubacs, ombres et lumières...
Ça y est... Vers 13 h 30, il y a assez d'eau et je débarque sur la grève de Qaanaaq. Un gamin engoncé dans le "wader" (ensemble bottes + salopette étanche) de son père [?] beaucoup trop grand bien sûr et qui tirebouchonne sur ses jambes nous accueille avec les membres du staff. Un peu plus loin vers l'ouest, un villageois semble s'apprêter à partir sans doute à la chasse aux phoques ou autres mammifères car il a embarqué sur son canot 2 kayaks, 2 « bouées » constituées d'une peau de phoque gonflée d’air.
Vers 13 h 45, je grimpe vers le haut du village par la "rue" principale alors que la noria des polars cirkel boats continue entre le navire et la grève. Derrière le Fram, un iceberg semblable au growler de tout à l'heure mais évidemment dans des proportions autres, nous présente les rangées régulières de dents constituant sa partie supérieure.
Derrière l'autel de l'église, un tableau présente Jésus assis sur la montagne tabulaire de Dundas accueillant des enfants. Originellement, ses pieds étaient nus dans ses sandales mais les habitants lui ont peint des chaussettes bleues pour qu'il n’ait pas trop froid. Les maisons sont souvent construites à partir d'éléments préfabriqués et même si elles ne sont pas toutes semblables on retrouve des éléments communs (pignons notamment) à beaucoup d'entre elles. Par contre, pour la peinture des façades il y a une grande variété. Près de beaucoup de maisons, on trouve un échafaudage pour entreposer hors de portée des maraudeurs la viande destinée aux chiens. Il y a une petite aire de jeu où des enfants jouent sur les balançoires et manèges.
Je visite rapidement le musée installé dans l'ancienne maison de Rasmussen qui a été transférée ici depuis Dundas. De même, je fais un tour rapide dans la boutique d'artisanat… rapide parce que c'est un peu la cohue dans ces endroits exigus.
Vers 15 h, pratiquement tous les passagers se retrouvent dans la halle des sports pour une présentation de chants et vêtements traditionnels. Une dizaine de villageois menés par un grand-père en pantalon de peau d'ours, anorak de toile blanche et botte de peau, qui joue du tambour inuit (gilaut). Après quelques chants traditionnels (dont l'hymne groenlandais), une jeune adolescente nous présente 2 chants puis vient le tour d'un adolescent vêtu d'un jean et du... maillot de l'équipe de France de foot et plus particulièrement le maillot de Trezeguet (j'aurais dû le photographier de dos) qui s'accompagne à la guitare.
Puis on passe... au défilé de mode avec notamment les anoraks en peau de phoque et les bottes en peau d'ours remontant jusqu'en haut des cuisses mais je m'en vais avant la fin à 15 h 45 environ.
Dehors, il fait toujours aussi beau et je me balade à nouveau dans le village : près d'une maison, des filets de saumon ou d’omble chevalier [?] régulièrement entaillés sèchent au soleil et au vent sur un échafaudage. Les gamins du village sont très souriants de même que les personnes âgées. Je m’enhardis un peu et les photographie avec leurs autorisations bien sûr.
Puis je redescends vers la grève d'où un pêcheur s'apprête à partir en mer. Comme ailleurs dans le village, des familles de chiens sont attachées auprès des maisons. Sur la grève, trois gamines de 7, 8 ans jouent autour d'une petite annexe en plastique. L'une d'entre elles serre un grand sac de pop-corn dans ses bras. Je reste 4, 5 minutes à les photographier juste à côté du villageois qui prépare son canot pour partir en mer. Quand enfin, il réussit à démarrer son moteur hors-bord, sa route croise celle d'une mouette ou d'un goéland qui décolle en laissant les traces de ses pas de plus en plus espacés sur la surface de l'eau.
Alors que les passagers du Fram s'apprêtent à réembarquer, la toute jeune adolescente qui a chanté tout à l'heure dans la halle des sports "pose" pour nous dans son bel habit traditionnel brodé de fleurs et en bottes en peau d'ours dans lesquelles elle tient pratiquement en permanence ses mains comme dans des poches de pantalon. Deux gamins de 8, 9 ans posent aussi pour nous. L'un d'entre eux a les cheveux bien raides de gel coiffant alors que l'autre porte autour du cou un ruban que nous portons tous afin d'y fixer notre carte de passager. Sans doute est-il allé visiter le Fram.
Je retourne donc à bord du Fram et photographie les familles du village venant tourner autour à bord de leurs canots. Au loin, de l'autre côté du fjord une fine couche de brume est en train d'arriver. Vers 19 h 45 alors que nous allons sortir du fjord, un iceberg "surgit" pratiquement de la brume. En fait, il est juste à la lisière du banc de brume. Le Fram le longe à vitesse réduite pendant 2 à 3 minutes : c'est très, très beau, cette brume qui ne laisse que deviner certaines parties de l'iceberg alors que d'autres sont bien dégagées sous un ciel toujours uniquement bleu. Les minutes passent et la lumière est de plus en plus belle : je photographie les icebergs, la côte et les glaciers dont beaucoup sont en train de mourir car ils ne descendent plus jusqu'à la mer.
A 20 h 52, je repère au loin devant le Fram un très bel iceberg qui me fait penser à un sphinx... Est-ce mon subsconscient qui me fait penser à cela ? Bien sûr dans "Rêveurs de pôles" d'Emmanuel Hussenet, j'ai lu que Jules Vernes a écrit « Le sphinx des glaces » mais je l'avais oublié. Toujours est-il qu'au fur et à mesure que nous nous en approchons, il ressemble de plus en plus à un sphinx, je trouve, du moins pour l'allure générale. J'ai commencé à le photographier de loin à 20 h 52 et je finis à 21 h 39 après que le Fram en ait fait le tour. Tout est très beau : l'iceberg, son reflet sur la surface de l'eau à peine troublée de quelques légères ondulations, la lumière, le cadre avec en arrière-plan la sortie du fjord avec ses falaises de grès rouge. Un de mes meilleurs souvenirs... Je reste sur le pont jusqu'à 22 h pour photographier toujours les growlers dans la lumière plus rasante maintenant. Un fulmar arctique passe au ras de l'eau, presque à toucher son reflet dans le miroir.