19 août à 8 h 17 devant Upernavik : j'allais donner les coordonnées de position... 77° 24’... Non, ce n'est sûrement pas ça. Pendant plusieurs jours, les écrans donnant les informations météo et autres coordonnées vont rester muets... neuvage du navire. Le temps est maussade ce matin : plafond bas, bruine... Mais bon, je ne me plains pas car jusqu'à présent nous avons été très gâtés par la météo.
Vers 9 h 20, je suis à terre : vu depuis le port, le Fram fait tout petit par rapport à un iceberg pourtant éloigné de plusieurs centaines de mètres. Comme dans beaucoup d'endroits où nous nous sommes arrêtés, la frange littorale relativement plane est très étroite et les rues grimpent tout de suite sur le flanc des collines. Ce n'est qu'après être revenu de mon voyage en me documentant pour mon carnet de voyage, que je me suis rendu compte que le sommet arasé (déblai - remblai) de la colline au-dessus du village tient lieu en fait de piste de l'aéroport. Elle m'a en fait bien paru bizarre cette colline mais n'y voyant pas de bâtiments, je n'avais pas deviné qu'il s'agissait de l'aéroport.
Donc, nous montons par les rues sous la très légère bruine. C'est dimanche et l'Office se termine à l'église qui ressemble beaucoup à celles que j'ai déjà visitées et je ne m'y attarde pas. En continuant de cheminer sur la rue, nous arrivons au cimetière qui m'impressionne beaucoup : la brume, les tombes constituées souvent de pierres maçonnées "grossièrement", parfois de béton coulé dans un coffrage, parfois peintes en blanc mais toujours couvertes pratiquement intégralement de fleurs en plastique multicolores et avec bien sûr une grande croix blanche du côté orienté vers la mer. Apparemment, le haut du cimetière vient de faire l'objet de travaux de terrassement en creusant dans la colline. En dessous du cimetière, un iglou de tourbe est construit face à la mer près du rivage. On peut le visiter ainsi que tout à côté l'ancienne demeure du "gouverneur", surmontée d'un petit clocher, où se tenaient les conseils. On y trouve notamment dans la salle du conseil, le fauteuil du gouverneur dont le dossier est sculpté « Upernavik Syssel » avec un ours couronné (syssel = gouverneur... un mot que j'ai appris au Spitzberg) et les portraits des rois et reines, gouverneurs et membres du conseil. Juste à côté également, il y a le musée qui abrite 2 umiaks, des kayaks, traîneaux, armes et outils, des peaux.
Je retourne vers le port où il n'y a pas beaucoup d'activité en ce dimanche. Alors que je longe la rive pour me rendre sur une pointe en face du quai pour avoir un autre point de vue sur le Fram et l'iceberg [relativement] voisin, un groupe de randonneurs kayakistes (des kayaks de mer "modernes" comme on en trouve en France) passent devant le Fram et un immense iceberg au loin qui, recevant les rayons du soleil par une de ces sources de lumière percée dans le plafond nuageux et que j'apprécie tant sous les hautes latitudes, tranche très nettement avec son environnement plombé. Vu de ce côté, l'iceberg voisin du Fram est tout à fait différent avec notamment une aiguille très fine qui nous était cachée lorsque nous étions sur le quai. Le temps est toujours aussi maussade même s'il ne bruine plus.
Afin de pouvoir faire un tour vers l'iceberg en retournant à bord, Bernard et moi attendons la dernière navette avec Janus et Andrew du staff. Nous embarquons donc sur le polar cirkel boat (avec l'autorisation de l'officier de quart bien sûr) peu avant 13 h 30 pour aller photographier l'iceberg et le Fram... Vu de plus près, l'iceberg est vraiment impressionnant... Dommage que le ciel soit si uniformément gris.
Vers 15 h, le Fram quitte Upernavik alors que le plafond bas commence à se déchirer. La navigation de l'après-midi n'est ponctuée par aucun événement notable.
A 20 h 15 alors que nous allions nous mettre à table pour le dîner, un message annonce que le Fram croise la route d'une vingtaine de petites baleines, en fait des globicéphales noirs (ou dauphins pilotes) mesurant de 5 à 6 m pour les adultes mâles pour un poids de 2,8 à 3,5 tonnes. Bien sûr, tout le monde déserte le restaurant alors que le navire stoppe ses machines. Pendant 20 minutes, les globicéphales restent à quelques dizaines de mètres du navire, parfois très proches l'un de l'autre, jusqu'à se toucher fréquemment. Il y a des adultes, des jeunes beaucoup plus petits (leur peau gris clair indique qu'ils ont moins d'un an). Leur nage aux lentes ondulations permet de les photographier très facilement et leur souffle est également facilement repérable. Si nous les observons, ils nous rendent la politesse et j'ai l'occasion de photographier 3 séances de "spy hopping" quand les globicéphales restent à la verticale, la tête hors de l'eau afin de regarder l'environnement au-dessus de la surface. Lors de ce "spy hopping", on distingue très nettement leur melon (front bombé intervenant dans l’écholocation). Les dernières de mes photos sont prises pratiquement à contre-jour du soleil relativement bas : les nageoires dorsales des globicéphales fendant la mer d’or avec un iceberg à l'horizon. Bon... à table...